Les managers ne font rien !
Comme j’ai l’habitude de le dire de façon un peu provocatrice, les managers ne font rien, ils font faire. Les managers, en effet, ne font pas de tâches opérationnelles. Par exemple, un manager qui travaille dans une entreprise qui fait des produits d’innovation ne fait pas lui-même les tâches qui construisent le produit. Sauf dans des cas exceptionnels, un chef de groupe ou un directeur de R et D, par exemple, ne fait pas de code, ne fait pas de tests et ne construit pas la partie matériel (hardware) du futur produit. Ce qu’il fait, c’est gérer une équipe qui, elle, code, teste et construit la partie matériel du produit. Sa seule valeur ajoutée est donc dans le faire faire.
Comment puis-je faire cela? La réponse n’est pas évidente parce qu’en management il n’existe pas d’idées, de théories ou de trucs qui s’appliquent à toute situation. En un mot, il n’existe pas de recette en management. S’il n’existe pas de recette en management, comment est-ce qu’un conseiller en management peut apprendre à quelqu’un à devenir un meilleur manager? C’est là toute la question!
Comprendre et théoriser
La réponse que j’ai développée avec l’expérience tient à l’idée suivante : il n’existe pas de recettes en management, mais il existe des principes en management. Un exemple de principe est celui dont je viens de parler le manager fait faire. Cette idée a l’air toute simple, mais elle est très puissante. Faites l’exercice vous-même et noter sur une feuille ou sur un tableau ce qu’il faut pour être un bon manager. Vous écrirez, par exemple, qu’il faut savoir déléguer, qu’il faut être un leader, qu’il faut pouvoir motiver et mobiliser les gens et qu’il faut avoir un esprit d’analyse et de synthèse. Vous écrirez cela et encore beaucoup d’autres choses (par exemple, qu’il faut être à la fois un bon communicateur, un bon négociateur et avoir de l’autorité et de l’influence) qui feront qu’à la fin du compte, vous ne saurez plus vous-même ce qu’est un bon manager! Le manager tel que vous le concevrai à la fin de cet exercice ressemblera à un demi-dieu, comme les héros des mythologies grecques.
Pour moi, grâce à cette définition qui est valable pour tous les managers Un manager ne fait rien, il fait faire, la situation est plus facile. Un manager est tout ce que l’on voudra – un leader, un négociateur, un motivateur, un mobilisateur et ainsi de suite – du moment que cela l’aide à mieux faire faire!
« Parfait! », me diriez-vous, « mais cela est théorique, car, concrètement, on ne sait toujours pas comment faire faire puisqu’on ne sait pas comment être un bon leader, un bon négociateur, un bon communicateur, etc. c’est-à-dire comment avoir toutes ces qualités/compétences qui permettent d’être un bon manager qui fait bien faire! ».
Ma réponse reste la même; il existe des principes qui permettent de guider le manager pour qu’ils puissent devenir un meilleur manager. Avec le temps, j’ai développé ainsi des principes pour le leadership, pour la mobilisation, pour la communication, pour la gestion des équipes, et pour quantité d’autres domaines qui appartiennent au management. Concrètement, pour un chef de projet, ces principes sont regroupés au sein d’un module appelé « PMI. No recipes. Intelligence ».
Ces principes diffèrent de la plupart des modèles et des théories qui existent dans le conseil en management parce qu’ils ne proviennent pas de best practices, de benchmarking ou des façons de faire de telle ou telle entreprise. Ces principes sont conceptuels et définissent ce que j’appelle une approche prescriptive (ou une approche normative). Une approche prescriptive dit comment les choses doivent se passer, pas comment les choses devraient se passer. Par exemple un manager doit savoir faire faire et un manager qui ne sait pas faire faire sera un « mauvais » manager, en tout cas selon l’approche prescriptive.
Cette façon de faire du conseil en management est difficile à expliquer par écrit, car elle est peu courante et, de premier abord, elle semble théorique. Cependant, une fois qu’elle est comprise, elle est extrêmement puissante pour aider le manager à avoir une vraie valeur ajoutée.
Et dans la pratique ...
Je vais donner deux exemples pour me faire mieux comprendre. Le premier porte sur la gestion de projet d’innovation et le second sur le leadership.
Les managers de projet d’innovation sont la plupart du temps débordés et ont du mal à gérer l’interfonctionnalité des projets (puisque la plupart des départements de l’entreprise travaillent dans les projets). Grâce au modèle de projet prescriptif que j’ai développé (MPP), les managers savent quels rôles ils ont, quelles équipes ils doivent constituer et quel rôle et quelle fonction ils doivent assigner à chaque personne dans leur projet. Cela permet aux gestionnaires de projet d’être plus « rentables » (ils peuvent gérer plus de projets) et d’avoir des projets plus efficaces (par exemple, le processus de développement est plus rapide) et plus efficients (les équipes sont moins fatiguées, moins stressées).
Le deuxième exemple a trait au leadership. La plupart des managers diront qu’un bon manager doit avoir du leadership. Le problème, c’est qu’il est difficile de définir ce qu’est exactement le leadership et la vingtaine de théories développées depuis plus de 100 ans n’aide pas les managers à savoir comment se comporter comme un « bon » manager dans telle ou telle situation. J’ai donc dégagé quelques principes qui sont valables qui permettent au manager de savoir ce qu’est le leadership, quels résultats il peut atteindre grâce au leadership et comment le leadership peut l’aider à devenir un bon ou un meilleur manager.
Conclusion
Est-ce que ces principes fonctionnent? La réponse est « oui », à condition, bien sûr, que ces principes ne soient pas utilisés à leur tour comme des recettes. Ne pas avoir de recettes, n'est pas une recette. La valeur ajoutée managériale tient dans l'intelligences du gestionnaire et sa capacité à faire faire.
Benoit Dupont
Conseiller en Management